30 janvier 2007

Hiroshima, 6 août 1945 à 8 h 15




A 8 h 15 du matin, le 6 août 1945, le bombardier B-29 américain baptisé « Enola-Gay » et piloté par le commandant Paul Tibbets lâchait sur la ville japonaise de Hiroshima la première bombe atomique de l’histoire. C’était la fin de la seconde guerre mondiale, et le début de l’ère nucléaire. La bombe allait tuer, d’un coup, 100 000 personnes, et provoquer des formes inédites de souffrance humaine.

Le 6 août à 11h...les seules photos du jour de l'explosion.


Au moment de l'explosion Matsushige était encore en son domicile situé dans le quartier de Midori-machi, à 3 kilomètres au Sud est de l'épicentre. Il fut projeté contre le mur et blessé au visage par de nombreux éclats de verre...
Vêtu d'un costume militaire et portant un brassard indiquant sa qualité de reporter, il partit à pied vers le centre ville, en direction de son journal, mais il n'avait aucune idée du type de bombardement qui venait de toucher la ville. Il était néanmoins muni d'un appareil Mamiya 6x6 contenant une pellicule de 12 poses.
Dans un premier temps il marcha jusqu'à Takano-bashi, à 1,5 kilomètres au sud de l'épicentre avant de rebrousser chemin à cause des flammes; Il vit des quartiers entiers en train de brûler, des dizaines de victimes dépenaillées, des femmes avec leurs enfants mourant dans leur bras, mais il n'en fit aucune photo.
Vers 11 h 00, soit deux heures après être partit de chez lui, il réalisa ses premiers clichés, coup sur coup deux prises de vue à Senda-mashi devant le pont de Miyuki-bashi
montrant un groupe d'hommes et de femmes autour d'un policier s'affairant à donner les premiers soins.
Sous le choc il ne put faire que cinq photographies.

Michael Lucken Centre d'études japonaises Inalco. Extrait de l'article Hiroshima-Nagasaki, des photographies pour abscisse et ordonnée dans Etudes photographiques n° 18 Revue de la Société Française de Photographie.
Lire " A l'ombre des échelles: Le japon 60 ans après la fin de la guerre."

Le temps s'est arrêté à 8h15


Copyright Hiromi Tsushida
Pantalon court.
Jiro Mitsuda (agé de 12 ans) était sur le chemin de l'école à 1,200 metres du point d'impact ( hypocentre). Il fut brulé sur tout le torse et sur les jambes. En retournant à la maison il aida à y eteindre le feu. Cinq jour aprés, il mourut en disant ces mots " Il fait noir, s'il vous plait allumez la lumière....donnez moi de l'eau...achetez moi une glace s'il vous plait..."

Donnez moi de l'eau !

Donnez-moi de l'eau !
Oh ! Donnez-moi de l'eau à boire !
Donnez-m'en un peu !
Je préfère mourir.....
Mourir !
Oh !
Aidez-moi, O, aidez-moi !
De l'eau !
Un peu d'eau !
Je vous en prie !
Est-ce que quelqu'un peut ?
Oh..... Oh..... Oh..... Oh.....
Oh..... Oh..... Oh..... Oh.....
Le ciel s'est fendu en deux ;
Il n'y a plus de rue ;
Le fleuve,
Le fleuve s'écoule toujours !
Oh..... Oh..... Oh..... Oh.....
Oh..... Oh..... Oh..... Oh.....
La nuit !
La nuit descend,
Sur ces yeux brûlés et desséchés
Sur ces lèvres parcheminées.
Ah ! la plainte d'un homme,
D'un homme chancelant,
Dont le visage est brûlé,
brûlant .
Ce visage dévasté d'un homme !

Tamiki Hara 1905-1951

29 janvier 2007

Nagasaki, 10 août 1945

Un extrait de Gen d'Hiroshima, le film d'animation tiré de l'oeuvre de Keiji Nakazawa.



Keiji Nakazawa est né à Hiroshima en 1939.
Quatrième d’une famille de six enfants, il perd son père, sa sœur et son frêre cadet lors du bombardement atomique.
A l’age de 22 ans, il monte à Tokyo où il débute une carrière de dessinateur professionnel.
On remarque ses premières apparitions dans le mensuel « Shônen Gaho » à partir de 1963.
Ce n’est qu’en 1968 qu’il exprime pour la première fois ses souvenirs de la tragédie d’Hiroshima avec « Kuroi ame ni utarete » (Sous la pluie noire) dont il sortira une nouvelle version deux ans plus tard sous le titre de « Aru hi totzuzen » (Soudain un jour).
Avec « Ore wa mita » (Je l’ai vu) paru en 1972 il nous livre un court récit de sa propre expèrience pendant et après la bombe.
Néanmoins, ce n’est que l’année suivante qu’il débute « Hadashi no Gen », (Gen aux pieds nus), une longue série autobiographique, publiée dans l’hebdomadaire « Shûkan shônen jump ».
Traduit dans plusieurs langues dont l’anglais, l’allemand, l’indonésien, et adapté notamment au théâtre, ou encore en film d’animation, ce manga demeure jusqu’à aujourd’hui son œuvre la plus marquante.
Le film d’animation des Studio Madhouse est une adaptation assez fidèle, bien que raccourcie, de l’œuvre de Nakazawa.

- Entretien avec Keiji Nakazawa dans Actuabd.

- ''J'avais six ans à Hiroshima''.

J’ouvre les yeux. Le ciel est noir. Je bouge un peu, je cherche instinctivement mon cartable. Toujours tâtonnant, j’aperçois, hébété, la mère de mon copain de quartier renversée, le corps carbonisé, les cheveux brûlés frisés, le visage calciné avec, au milieu, ses yeux blancs.

Inconsciemment, j’avance dans les ruelles écrasées. Quelques femmes, en haillons, ont le corps criblé de morceaux de verre. L’une d’elles, aveugle par des tessons tranchants, marche en tendant les bras devant elle. Une autre, les seins étrangement bleus, se déplace machinalement. Je ne comprendrai que plus tard que cette couleur avait pour origine le verre qui avait pénétré sous la peau.

Tout à coup, j’arrive chez moi. Les maisons brûlent toujours. La peur me glace. Où est Papa ? Maman ?

Des damnés humains arpentent les rues, en tenant leur ventre d’où sortent leurs intestins. D’autres ont un œil à demi arraché. Quelques-uns sont accrochés aux arbres, transpercés par des branches percées.

A cette multitude à demi nue se mêlent des lambeaux de vêtements brûlés et de peau grillée. Les visages sont mutilés, des poches d’eau sous-cutanées explosent, les gens errent, traînant leur peau.

Soudain, le ciel s’assombrit ; des nuages noirs s’amoncellent au-dessus de la ville et des gouttes commencent à tomber. L’une d’elle roule dans ma main, elle brille, on dirait de l’huile ! La pluie noire souille mes vêtements. Là où la rumeur nous parvenant nous fait croire que les Américains jettent du gazole du ciel pour finir le travail, nous apprendrons plus tard que cette pluie noire contient des éléments radioactifs. Quelques mois plus tard, des leucémies se déclareront chez les personnes fortement contaminées par cette souillure.

Une nouvelle vie est là, bel et bien là !

Des centaines de blessés hululent « mizou…, mizou…, mizou… » (de l’eau…, de l’eau…, de l’eau…). Ils avalent quelques gorgées avant de tomber. Ma mère secoue l’un d’entre eux. Il est mort. Une rumeur nous apprend qu’il ne faut pas donner d’eau aux brûlés car ils meurent tout de suite après avoir bu.

Pendant deux jours, nous restons là, torturés par la pestilence envahissant les restes d’Hiroshima. Des dépouilles jonchent le bord des chemins ; leurs plaies sont infectées de vers, larves de mouches et asticots. Nous voyons à présent les soldats venir ramasser les tonnes de cadavres à l’aide de crochets de pompiers qu’ils piquent à même la chair.

Certaines bouches s’entrouvrent ; un peu de conscience habite encore les Hibakusha (irradiés) morts. Un bateau militaire sur le quai permet d’évacuer des milliers de corps vers de petites îles proches pour les brûler.

Soudain, nous voyons onduler un nuage de grosses mouches gavées, répugnantes, lesquelles nous confondent avec leur pitance quotidienne de ces derniers jours. Nous courons pour fuir ces montres.

Les jours suivants le pika-don (l’éclair aveuglant et fulgurant au bruit de tonnerre), nous apprendrons le décès de plusieurs personnes en bonne santé. Plus de 60% des victimes furent des femmes, des enfants et des personnes âgées.

Une seule voie sûre nous reste et nous fait espérer : supprimer les armes nucléaires. C’est le seul moyen de préserver la vie et de faire fi de cette question : « Sais-tu pourquoi les guerres existent-elles ? Parce que l’humanité a débuté sans l’Homme et finira sans lui ».

Extraits du livre « J’avais six ans à Hiroshima : 6 Août 1945. 8h15 »
Keiji Nakazawa, Le Cherche Midi Editeur, Août 1995

Suaires, France 97

Objets en 2002

Au Japon, la mémoire de l'horreur nucléaire d'Hiroshima s'estompe.

La ville est avenante, aérée, avec ses avenues verdoyantes et ses rivières paisibles : Hiroshima, la "ville de l'eau" , disait-on, parce qu'elle s'étend dans le delta du fleuve Ota et de ses six bras. Aujourd'hui, ses monuments aux victimes du feu nucléaire, la carcasse du dôme de ce qui fut la chambre de commerce — l'un des rares vestiges du bombardement du 6 août 1945, comme son Mausolée à la paix, qui occupe le centre de la ville — sont intégrés au paysage urbain. Dans les esprits s'opère un estompage analogue : la mémoire s'effrite, l'horreur se dilue, le drame se fossilise.

Les témoins disparaissent et le nombre de visites des écoles diminue : de moins en moins d'écoliers peuvent donner la date du bombardement, indiquent les enquêtes de la municipalité. Parfois, des monuments sont profanés par des jeunes qui, pour s'amuser, mettent le feu aux guirlandes de grues en papier multicolores, symboles de paix. Saturée de culte du souvenir, Hiroshima doit renouveler son message pour qu'il porte encore dans un monde qui, en soixante ans, a connu d'autres formes de massacres de populations civiles.

Sur les 541 800 atomisés d'Hiroshima et de Nagasaki, 266 000 étaient encore en vie en mars 2005. A Hiroshima, où 140 000 personnes sont mortes lors de l'explosion de la bombe ou dans les semaines suivantes, on décompte 120 000 survivants. Ils ont en moyenne 73 ans. Combien seront-ils, dans dix ans, à pouvoir raconter ce qu'ont été le 6 août 1945 et les années d'après ? Car, si la mort a frappé certains d'un coup, elle a été moins miséricordieuse pour d'autres, qui ont vécu une lente agonie : la survie dans les gravats et la pestilence, les larves dans les plaies de corps écorchés vifs, les cheveux qui tombent, les vomissements de sang... puis les leucémies et les cancers. Aujourd'hui encore, les survivants vivent dans les affres de ces symptômes.

Avec pudeur, économie de mots ou au contraire en un flot intarissable, les atomisés racontent leur calvaire. "C'était ainsi», dit cette vieille dame qui retrouve une sereine tranquillité après avoir égrené, les yeux clos, un long récit apocalyptique commencé par ces simples mots : "Ce jour-là..." Certains se murent dans le silence. D'autres, encore terrifiés par les éclairs des orages, revivent au soir de leur vie le traumatisme qu'ils ont subi. Parfois, ils se sentent coupables de ne pas avoir porté secours aux survivants hagards ou aux agonisants implorants. Ils tendent à s'identifier aux morts, et certains mettent fin à leurs jours, hantés par le cri du poète atomisé Sankichi Toge : "Rendez-nous notre humanité !"

ABANDONNÉS À LEUR SORT

Pendant des années, les victimes du feu nucléaire ont été abandonnées à leur sort. Les plus pauvres ont croupi dans des bidonvilles, comme celui de Motomachi, la "honte d'Hiroshima», disait-on. Au début de l'occupation américaine, en septembre 1945, les hôpitaux militaires avaient été fermés. En dépit de médicaments fournis par la Croix-Rouge internationale et l'occupant, ainsi que du dévouement d'infirmières et de médecins, les irradiés furent laissés pratiquement sans soins, en raison du secret que les Etats-Unis voulaient entretenir sur les effets de la bombe. Longtemps, on a ignoré comment soigner ces terribles blessures, stopper les hémorragies des écorchés vifs. Jusqu'à la signature du traité de San Francisco, en 1951, les informations sur Hiroshima ont été censurées. Fin 1946 avait été ouvert un laboratoire militaire américain, baptisé Atomic Bomb Casualty Commission (ABCC) : il ne prodiguait aucun soin, mais pratiquait des tests sur les irradiés et exigeait les cadavres pour les autopsier. Parfois, lorsqu'il n'y en avait pas assez, il les achetait, raconte le photographe Kikujiro Fukushima : "Un homme vendit ainsi le cadavre de sa femme pour pouvoir lui organiser des obsèques», dit-il.

L'ignorance de l'origine des maladies et la crainte que l'irradiation soit contagieuse firent des atomisés (60 % des victimes étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées) des êtres déshumanisés, rejetés par les employeurs, un éventuel conjoint, leurs voisins, voire leur famille. Leur calvaire est raconté dans une bande dessinée, Gens aux pieds nus, de Keiji Nakazawa, qui rappelle, dans un récit poignant, ce qu'il vit avec ses yeux d'enfant (J'avais six ans à Hiroshima, Le Cherche Midi éditeur, 1995). L'ostracisme à l'égard des atomisés en renforça d'autres, la discrimination frappant les Coréens — 30 000 irradiés — et les descendants des hors-caste de l'époque pré moderne (équarrisseurs et bouchers), qui devinrent doublement victimes.

Jusqu'en 1957, les atomisés ne bénéficièrent d'aucune assistance spéciale. La misère et la désagrégation du tissu social firent de l'Hiroshima des années 1950-1960 une "ville sans loi" : les bandes criminelles formées par certains des milliers d'orphelins du bombardement y étaient si célèbres qu'elles ont inspiré l'un des classiques des films de yakuza s (gangsters), Batailles sans honneur, une série de Kinji Fukasaku qui brosse avec un réalisme cru un portrait de la pègre de l'après-guerre.

C'est cette mosaïque de souffrances et de drames individuels silencieux qui constitue l'héritage d'Hiroshima : des drames reflétés dans des peintures d'amateurs ou dans les oeuvres d'écrivains comme Hisashi Inoue, telles que Chichi to kuraseba (Vivre avec mon père), 1994, adapté au cinéma en 2004 par Kazuo Kuroki sous le titre anglais The Face of Jizo , qui raconte le tête-à-tête entre une fille et le fantôme de son père, trois ans après le bombardement. L'approche n'est pas politique mais empreinte de tendresse. "Ces bombes ont été lancées non seulement sur des Japonais mais sur tous les êtres humains», écrit Hisashi Inoue.

ACTE D'INHUMANITÉ

Longtemps, la première ville atomisée du monde s'est perçue uniquement comme victime. Son drame semblait suspendu dans un vide historique. Que s'était-il passé avant ? Hiroshima se résumait à une promesse de paix. Ce n'est plus le cas : depuis une dizaine d'années, le musée rappelle l'expansionnisme japonais et l'origine de la guerre. Mais Hiroshima parvient mal à élargir la portée de l'acte d'inhumanité dont elle a été victime en faisant de son drame le fanal d'une condamnation du terrorisme d'Etat que représente tout bombardement de populations civiles. La voix des atomisés faiblit : le premier ministre, Junichiro Koizumi, a rompu avec la tradition de les rencontrer lors des cérémonies du 6 août.

"Reposez en paix. Les erreurs ne se reproduiront plus», peut-on lire sur le monument aux victimes. "Répéter ce vœu pieux n'a plus de sens" , estime Yuki Tanaka, professeur à l'Institut de la paix d'Hiroshima. "Hiroshima a connu l'horreur à l'état pur : ses habitants ont été victimes d'un génocide mais, pas plus que dans le cas des juifs, ces atrocités ne doivent faire oublier d'autres tragédies. Nous devons nous dégager de cette myopie et lier le drame d'Hiroshima à notre époque. Unique, le bombardement atomique présente des similarités avec d'autres massacres de populations civiles que nous avons sous les yeux" , explique-t-il. L'allergie au nucléaire reste profonde chez les Japonais, mais ils semblent plus fatalistes face à l'usage de la force contre des populations civiles, comme si, peu à peu, leur allergie se dissociait du pacifisme dont ils se réclament.

Philippe Pons
Article paru dans Le Monde du 06.08.05.

REALISATION EN SEPTEMBRE 2007

...Les vêtements-reliques sont conservés au Musée mémorial d’Hiroshima qui recueille actuellement les autorisations des hibakushas et des donateurs afin de permettre les prises de vues en septembre 2007.(Toutes les autorisations ont été obtenues)

Une trentaine de vêtements, d’hommes, de femmes, et d’enfants seront photographiés par le procédé dit de calotypie.

Ce travail s’inscrit dans la continuité des précédents calotypes de la série « Suaires » représentant des vêtements abandonnés, ramassés dans les décharges, et qui interrogent tant la consommation de masse dans son matérialisme, que la souffrance et l’impermanence, par l'empreinte des corps disparus.

Aujourd'hui, le manque de relais de transmission pour la mémoire humaine, constaté par rapport aux drames d’ Hiroshima et de Nagasaki, l’ignorance quasi-généralisée des enfants et des jeunes face à l’histoire et au danger nucléaire, l’inquiétant irrespect du Traité de Non Prolifération par les Etats signataires, la possibilité d’abrogation de l’article 9 de la constitution japonaise qui lui permettrait d’entrer dans le club nucléaire, le sentiment régulièrement répandu du « on ne peut rien faire », et « Vision 2020 », fixé par la dernière conférence de Mayors for Peace, comme étant la date buttoir de l’éradication des armes nucléaires…

...autant de raisons parmi d’autres, qui font à nos yeux le sens et l’urgence de ce projet.

Discours des maires d'Hiroshima et de Nagasaki, août 2006.

ORIGINE DU PROJET « vêtements d’Hiroshima »

En 1997 j'achève une série de photographies "suaires" sur les vieux vêtements abandonnés que je trouve dans les décharges, puis, que je photographie en studio par le procédé dit de calotypie*. Par cette série d'images, j'entends alors témoigner de la consommation de masse dans ses excès, et au-delà questionner le drame de la disparition.

Comme une empreinte résiduelle du corps, le vêtement, témoin-fossile, suscite la mémoire.

Je présente ce travail au Salon International de la Recherche Photographique à Royan en 1998 où je suis lauréat, puis nominé aux "Voies Off " de Arles l'année suivante.

Lors du séjour à Hiroshima avec les élèves de l'atelier photo du S.M.J de Vitry-sur-Seine ( pour les commémorations du 60ème anniversaire des bombardements atomiques au mois d'août 2005),nous allons visiter le musée mémorial d'Hiroshima. Voir le blog Je fus fortement troublé en découvrant l’exposition des vêtements des victimes. En détaillant ces reliques inertes, il me semblait entendre un écho de l'anéantissement d'Hiroshima, une résonance de l'enfer atomique traversant le temps.

Je réalisais que mes objets abandonnés des décharges tissaient un lien avec ces objets du mémorial...

En temps de guerre à Hiroshima, c'est une bombe tuant en un seul instant 100 000 personnes.

En temps de paix, c'est un même objet dupliqué, utilisé par des milliers de gens.

Et pourtant, même si dans les deux cas, au-delà de la consommation des corps, subsistent les carcasses, les débris des choses, les êtres humains et la trace de leurs souffrances sur les corps et dans les chairs, les lieux du sacrifice… seule la mémoire des hommes pour raconter ce qu'il s'est passé.

Seule la mémoire, pour dire aux autres à venir ce qu'était vraiment l'horreur.

Les vêtements et objets des victimes de l’explosion en sont devenus les témoins-fossiles. Ils sont les expressions fragiles et provisoires de cette mémoire de l'indignité humaine qu’il faut transmettre, et dont les vieux Hibakushas (les survivants de l'explosion) restent les seuls témoins vivants; car, le temps venant, l'expérience que leurs voix communiquent aux passants se taira.

La nécessité de créer des relais de transmission pour la mémoire collective nous semble impérative et incontournable. C ‘est ce que je souhaite accomplir en photographiant les vêtements, ces ultimes signes présents des victimes d’Hiroshima …

OBJECTIF

Témoigner des souffrances et de l’horreur nucléaire.

La série « Vêtements d’Hiroshima » a pour but de représenter par la photographie les habits portés par des victimes du bombardement nucléaire au moment où celui-ci s’est produit, il y a 60 ans… Le 6 août 1945 à 8h15… Elle entend mettre en évidence la tragédie humaine de l’horreur nucléaire, en dénonçant les ravages causés sur les individus. L’identification des vêtements par signalement du nom, de l’âge des victimes et des informations relatives à leurs dommages, permettra cette mise en évidence.

Témoignage visuel de la monstruosité de l’arme atomique cette série se veut être un relais de transmission pour la mémoire collective.

Œuvrer pour le désarmement nucléaire et la culture de paix.

Les photographies des vêtements, par l’impact sensible qu’elles produisent, ont pour objectif la diffusion de la mémoire de l’holocauste nucléaire. La prise de conscience de cette mémoire, appelée par la série, participera à la culture de paix et à la volonté de ne plus reproduire de tels actes de barbarie technologique. En ce sens « Vêtements d’Hiroshima » doit œuvrer, où que ce soit, et être diffusée le plus possible par les associations et les organismes qui luttent pour la paix et le désarmement.

Technique, forme et présentation

Technique

Les Vêtements seront photographiés avec le procédé de calotypie, cette technique photographique remonte aux sources de la photographie vers 1840, c’est une méthode qui consiste en une impression sur papier couleur RA4. Un négatif est obtenu et est ensuite contretypé pour obtenir un positif.

La prise de vue est réalisée à partir d’un appareil de fabrication artisanale en bois, avec des temps d’exposition d’environ 15 secondes.

Ce procédé produit une augmentation du contraste et une modification des couleurs.

Le dispositif de ces prises de vues est particulièrement intéressant pour deux considérations.

Il impose une discipline stricte et une précision rigoureuse dans l’ordre des opérations qui en font un authentique processus photographique comparable à un rituel.

La lenteur de l’exposition conscientise l’arrêt du temps, illusoire certes, mais ressenti comme tel au moment de la prise de vue.

Photographier les vêtements des victimes d’Hiroshima procède du cérémonial, ce n’est pas une action qui peut-être accomplie par la banalité d’un acte photographique courant.

La mise en place de ce dispositif-rituel s’est imposé pour le respect des victimes, la mémoire et le recueillement.

-L’arrêt du temps opéré lors de la sensibilisation de l’émulsion, rejoint l’arrêt du temps provoqué par l’explosion de la bombe.

-La modification du spectre des couleurs sur le rendu final, toujours imprévisible, restitue l’aspect incontrôlable des effets nucléaires sur les victimes.

Forme et présentation

Les vêtements seront photographiés sur fond blanc de manière identique à celle de la série sur les vêtements abandonnés « Suaires ».

Le nom des victimes, leur age le jour de l’explosion, le lieu où elles se trouvaient, ainsi que les circonstances seront mentionnés sur chaque photographie.

La série originale des vêtements d’Hiroshima sera composée d’environ trente photographies couleurs sur papier (épreuve type C) d’un format de 40x50 cm.

Il sera tiré de cette série quatre exemplaires.

un destiné au musée mémorial d’Hiroshima.

un destiné à l’exposition itinérante.

un commandé par la ville de Vitry-sur-seine.

un destiné à l’auteur.

Soit un total d’environ 120 photographies 40x50cm constituant l’édition originale numérotée. Une série spéciale destinée à l’exposition en galerie ou en musée sera réalisée en grand format 70x100cm l’idée étant ici de confronter le rapport d’échelle des vêtements avec l’ observateur.

DEROULEMENT DU PROJET

Août 2005 : Participation aux commémorations du 60ème anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima Nagasaki.

Premier rendez-vous avec M. Toya conservateur chef du musée mémorial d’Hiroshima. Elaboration d’un accord sur le nombre de vêtements et les principes à respecter de part et d’autre.

Janvier 2006 : Audience auprès du maire de Vitry-sur-seine M.Alain Audoubert. Aide de la municipalité pour la bonne marche du projet, propositions de mise en relation avec les instances du Musée, ainsi qu’auprès du maire d’Hiroshima M.Tadatoshi Akiba.

Commande de la ville de Vitry-sur-seine, d’une série spéciale originale de « Vêtements d’Hiroshima. »

Avril 2006 : Départ pour le Japon. Musée mémorial d’Hiroshima. Choix définitif de la sélection des vêtements, mise en place des préparatifs liés à la technique du calotype. Recherche d’un partenariat avec un laboratoire photo à Hiroshima pour le développement des négatifs papier et des contretypes. Rencontre avec le maire d’Hiroshima sur les recommandations du maire de Vitry-sur-seine, demande du parrainage de « Mayors for Peace »

Septembre2006/ août 2007 : Préparation des matériels nécessaires au projet Construction de la chambre photographique à calotype grand format, par E.Ingrand. Tests techniques/ ajustements.

Août/Septembre 2007 : Début des travaux au Japon. Réalisation des calotypes négatifs à Hiroshima, développés sur place au jour le jour.

Octobre/Novembre/Décembre 2007 : Retour en France. Tirages en atelier de la série n°4 (ville de Vitry.) Tirage de la série spéciale destinée à l’exposition en grand format 70x100, et des séries 2 et 3. Livraison de la commande série 4 de la ville de Vitry-sur-seine.

...et début 2008 : Parution du Livre "Vêtements d'Hiroshima" édité par les éditions les points sur les i.

PARCOURS PHOTOGRAPHIQUE DE L'AUTEUR

MICHEL AGUILERA PHOTOGRAPHE-AUTEUR


Né le 2 avril 1961 à PARIS 20ème


Diplômes et Formation

Etude de philosophie à Paris 8 Saint-Denis Etudes D’art Plastique aux beaux-arts de Cergy. BTS de technicien Photographe du CREAR .

VIE PROFESSIONNELLE

Photographe-auteur indépendant

Animateur technicien-photographe au Service Municipal de la jeunesse Ville de Vitry-sur-Seine . Animateur technicien-photographe aux centres de loisirs d’enfants Ville de Vitry-sur-seine. Professeur de Photographie au CCAS de Fontenay-sous-bois Maison des loisirs de retraités G.PAQUOT. Ville de Fontenay-sous-bois

EXPOSITIONS PERSONNELLES ET PUBLICATIONS

2004 Exposition « l’Imaginaire » avec les enfants des centres de loisirs de Vitry. Publication sur Internet sur skarlet.net des photographies « Objets et Vêtements » et de « Portraits industriels » série EDF 2003 Exposition rétrospective « 1993-2003 » Invité d’honneur de l’association POSITIF Galerie Municipale de Vitry-sur-seine. 2002 Participation à la revue « EXTA » publication de la série « Aphorismes du pétrole » 2001 Exposition à « Gravity Zero » Paris commande d’une série mode sur la collection du Magasin Publication d’une brochure. 1999 Lauréat de « Voies Off » Rencontres internationales D’Arles Exposition à Arles.Catalogue des rencontres d’Arles « Voix Off » Exposition de la série "Suaires" au théatre municipal de la ville de Castres dans le cadre du mois photographique du tarn. 1998 Exposition à la Galerie Municipale de Vitry-sur-seine Lauréat au Prix international de la recherche photographique Exposition à Royan Catalogue du Prix international de la recherche photographique 1997 Publication dans le magazine NOVA des photographies sur les vêtements abandonnés. 1994 Exposition « Usine, portraits d’ouvriers » EDF ( Electricité de France ) Centrale thermique de Vitry-sur-Seine, subventionnée par le Conseil Général du Val de marne Publications dans les revues de l’entreprise EDF. Acquisition par les archives départementales du Val de Marne.